Recopier n’est pas apprendre

Vous trouverez ci-dessous un billet du blog Par temps clair de Didier Goudeseune (enseignant dans le secondaire en Belgique) publié le 23 mars 2020.
Remarque : je vous invite à lire l’article directement sur son blog, la lecture y sera plus agréable (police, maquette, images,etc.).

Recopier n’est pas apprendre

Certains élèves adoptent comme technique d’étude le fait de recopier ou de remettre en forme leurs notes de cours. D’autres élèves lorsqu’il s’agit de se préparer à une évaluation privilégient le fait de recopier des formules, des synthèses et des résolutions d’exercices. Ils vont parfois le pratiquer jusqu’à ce qu’ils l’apprennent, jusqu’à ce que ça « rentre ».
L’approche est chronophage, mais peut être rassurante pour ces élèves. Elle les engage et fournit de preuves écrites de leur travail. Souvent, ils sont persuadés que cela les aide très concrètement à réussir. Il pense que ça fonctionnera pour eux, parce que ça a marché par le passé. Cela correspond à l’idée populaire d’apprendre en étant actif. Pour autant, est-ce efficace ?

Une technique inefficace

Il faut bien saisir la faiblesse de cette technique d’étude en matière d’apprentissage. La charge cognitive est limitée et il faut l’optimiser. Dans ce contexte, il est intéressant de se poser deux questions :

1. Quelles ressources mentales sont utilisées pour copier manuellement ?
2. Quelles ressources mentales sont utilisées effectivement pour un traitement cognitif de l’information susceptible de générer un apprentissage

Nous avons acquis la capacité de copier et recopier de manière quasi automatique. Il ne nous est pas nécessaire de réfléchir profondément au sens des phrases.

Nous utilisons pour cela la boucle phonologique de la mémoire de travail. Celle-ci serait composée de deux sous-systèmes :

→ Un entrepôt phonologique, qui sert de mémoire à court terme verbale
→ Un système de répétition, chargé de répéter mentalement le contenu de l’entrepôt phonologique

Lorsque l’on copie et recopie un contenu, nous n’allons nous intéresser que temporairement et spécifiquement à son enveloppe pour la retranscrire. Nous ne disposons plus dès lors que de ressources limitées pour nous consacrer au sens profond de celui-ci.

Le processus n’implique pas la nécessité d’échanges sur le sens avec la mémoire à long terme. Tout au plus, nous pouvons nous contenter de contrôler l’orthographe et la grammaire. Le processus ne nécessite pas de se soucier du sens. Par conséquent, on peut douter qu’un apprentissage conséquent puisse avoir lieu de manière automatique lorsque l’on copie.

Particulièrement lorsque nous sommes fatigués et que nous assistons à un exposé, nous pouvons prendre des notes sur papier ou sur ordinateur. Ensuite, nous sommes susceptibles d’en oublier de larges parts. Plus tard, quand nous les relisons, nous pouvons ne plus savoir exactement ce à quoi elles se rapportent. Nous pouvons nous demander de même si elles avaient un sens quelconque pour nous à l’origine. Nous pouvons avoir le sentiment de les redécouvrir, malgré le fait que nous les ayons écrites. Le simple fait de recopier n’assure donc en rien un traitement cognitif adéquat.

Tout apprentissage effectif demande un traitement cognitif et des échanges répétés entre mémoire de travail et mémoire à long terme. Ceux-ci impliquent un processus d’élaboration entre de nouvelles informations et les schémas cognitifs structurant nos connaissances préalables sur le sujet concerné. Le copiage et le recopiage n’apportent aucune assurance qu’ils ont lieu.

De plus, la prise de note et la copie en tant que telles vont mobiliser des ressources en mémoire de travail (charge extrinsèque) qui ne seront plus disponibles pour réfléchir sur les contenus et générer un apprentissage.

De même, on peut se demander dans quelle mesure, le fait de jongler entre la copie manuscrite et la réflexion sur le sens ne nous pousse pas à adopter un mode de fonctionnement multitâche particulièrement inefficient.

Prise de notes

Il est important de ne pas confondre le fait de copier ou recopier avec une prise de notes ou un exercice de synthèse et de restructuration qui implique un réel traitement cognitif.

Effectivement, l’intérêt d’une prise de note tient au traitement de l’information que cela peut générer ou à la collecte d’informations essentielles non disponibles ailleurs.

Par contre, s’il s’agit d’une simple transcription d’informations déjà disponibles par ailleurs, l’intérêt est inexistant.

Toutefois, une prise de note, même active d’un point de vue cognitif, joue plus le rôle d’une préparation à l’apprentissage que d’un réel apprentissage effectif et durable.

Comme pour la relecture, la création d’une synthèse ou de flashcards ou le fait de souligner certaines parties, ce qui compte c’est savoir si cela va faciliter l’apprentissage qui va suivre.

Informer les élèves

Certains élèves passent ainsi un temps conséquent à remettre leurs cours en ordre, à la recopier, à passer le tout en différentes couleurs fluorescentes, etc. Toutes ces techniques ne peuvent garantir ou remplacer la constitution d’un réel apprentissage durable et profond et il convient de les en informer.

D’une certaine manière, ces démarches pourraient être assimilées de leur part à une forme de procrastination. Les élèves peuvent les privilégier, car elles sont faciles à mettre en œuvre.

Ainsi, ils vont se donner bonne conscience avant de passer, souvent trop tardivement, à la phase concrète de l’étude qui est plus exigeante et difficile à mettre en œuvre d’un point de vue cognitif.

Le simple fait d’être assis à son bureau et de passer du temps sur ses cours à recopier n’est pas une preuve d’apprentissage. Si cela peut être une façon pour l’élève de se rassurer (lui et ses parents), c’est aussi une manière de se leurrer.

Copier directement des informations en classe ou à domicile, aider à rester engagé, mais n’apporte que peu de choses en matière d’apprentissage. Il est impossible d’apprendre efficacement si nous nous trouvons dans le type de pilotage automatique vers lequel tend cette technique de copie. Un signe est que lorsque l’on passe en pilotage automatique, on a tendance à être envahi par des pensées contrefactuelles qui font dériver notre attention sur d’autres sujets.

Les élèves devraient toujours privilégier un traitement cognitif actif et approfondi de l’information. Une première phase de préparation des contenus et de première étude devrait rapidement être suivie par l’utilisation privilégiée de pratiques de récupération espacée qui ont tout intérêt à démarrer le plus tôt possible dans une planification.

Bibliographie

Firth, Jonathan. How to Learn : Effective study and revision methods for any course, 2019, Arboretum Books


Sources :
blog : Par temps clair. Pratiques enseignantes informées par la recherche
Auteur : Didier Goudeseune (compte Twitter : @par_temps_clair), 23 mars 2020.
Publié ici avec l’aimable autorisation de son auteur.

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